Il y a quelques semaines, je vous avais parlé d’une belle rencontre avec une artiste peintre: Alie Loizel. Comme promis, voilà une interview pleine de vérité sur cette illustratrice et jeune femme dynamique et sincère! Je vous laisse la découvrir…

Qu’est-ce qui t’as amené à faire de ton art ton métier?

C’est venu petit à petit. Il m’a fallu des expériences en entreprise et quelques déboires pour comprendre que j’avais besoin de cette liberté de création. Il a aussi fallu que je devienne indépendante financièrement pour accepter de me lancer. Quand on fait ce métier, on gagne très mal sa vie, mais on est libre. J’avais peur avant de ne pas y arriver. Se lancer c’est aussi se confronter aux choses avec lesquelles on n’est pas à l’aise, prendre des risques. C’est sortir de sa zone de confort. Une fois qu’on l’a accepté, on peut y arriver.

Qui se cache derrière Alie Loizel?

Ça c’est une question compliquée ! Si je te dis que je suis un peu schizophrène : une artiste organisée, une rêveuse rationnelle, une fonceuse raisonnable… Non sérieusement, je pense, tout simplement, une créative exigeante et une grande cogiteuse. Les beaux-arts – d’où je viens – c’est une belle école de la vie. On t’apprend à t’adapter à tout et à tout le monde : après ça tu peux bosser dans tous les milieux, avec n’importe quels collègues, pour n’importe quel client. Tu cultives une ouverture d’esprit, une curiosité nécessaire, mais aussi une fragilité, une peur de ne pas être à la hauteur. C’est peut-être ça qu’il faut apprendre : se faire confiance.
Je me laisse des temps où je ne produis pas. Paradoxalement, c’est à mon avantage. Rien de pire que de tourner en rond dans quelque chose qu’on sait faire et qui commence à nous ennuyer. Et d’un coup je m’y remets, de façon obsessionnelle. La clé c’est l’humilité : je me considère toujours comme une débutante malgré mes années de pratique ! Ma plus belle récompense c’est quand on me dit «j’aime votre travail, j’ai envie de vous confier une commande». Ça c’est l’honneur ultime! Évidemment, je suis aussi une mère de famille, qui vit les périodes de disette avec culpabilité. Tout ça me permet de me remettre en question, constamment, mais il faut savoir le faire sans se paralyser. Et choisir ses partenaires professionnels.
Je suis la recherche de tout cela.

Quelles sont tes influences?

Multiples ! Il y a des illustrateurs qui me fascinent (David Sala, Yelena Bryksenkova, Dermot Flynn, Ruben Ireland, Mo- nica Barengo…), il y a la peinture japonaise, mais aussi les préraphaélites, l’art rupestre, la décoration, le design… En ce moment, je porte une grande attention à la peinture du Moyen-âge et à celle de la Renaissance, puisque je travaille sur un album autour de Berthe au Grand Pieds. Je passe un temps incroyable sur Pinterest…

Comment se présente ton atelier, l’espace où tu travailles?

Il est optimisé! C’est une ancienne terrasse aménagée en atelier. Pas plus de dix mètres carré, attenant à mon appartement. Ce n’est pas isolé: j’ai froid en hiver et chaud en été, mais c’est mon cocon, ma bulle. Je travaille souvent en regardant des films ou en écoutant la radio. Mes amis sont surpris que je puisse bosser là-dedans, mais je ne suis pas sûre d’être à mon aise dans un immense atelier, je crois que je me sentirais perdue.

Quel type de décoration aimes-tu particulièrement?

En ce moment, je craque pour la déco «récup» : oui je sais c’est à la mode, mais je crois que c’est surtout l’avenir. Consommer moins, retaper, faire revivre, recycler… Il faut que cette mode de style se transforme en mode de vie. Pour les couleurs, je suis une fada de bleu. Chez moi c’est bleu, blanc, beige et bois brut. Ce qu’on appelle le «vintage», j’aime bien, mais avec parcimonie. Je déteste le «total look», il faut que ça vibre, qu’il y ait des bouquins partout, quelques portraits de mamie Orthense et la peluche de pépé. Et à côté de ça, un fauteuil Bouroullec avec une lampe en papier japonais. Et puis du motif. J’aime tellement ça! Du dessin sur les coussins, sur un bout de mur, sur un pieds de chaise…

 

Est-ce qu’il y a un objet déco ou un meuble que tu affectionnes plus que tout chez toi?

Oui, une gravure ancienne que m’a offerte une amie très chère. C’était un dessin de soyeux Lyonnais. Elle trône dans l’atelier comme une référence. Ce qui la rend magique, c’est un défaut de coulure en plein milieu. Une imperfection, un accident, mais qui fait toute la beauté de ce dessin très maîtrisé.
Et puis mes petits fauteuils en bois Ikea que j’ai repeints avec des motifs très géométriques. Là, c’est juste parce que c’est du self-made ! Ils sont pas extraordinaires, mais je les aime bien.

 

Comment vois-tu évoluer ton travail, tes créations?

A vrai dire, j’espère me faire éditer (carteries d’art, papeterie, album…), et devenir suffisamment attractive pour pouvoir vivre de mon travail. Pour ça, il faudra encore quelques années, mais je veux bien y croire. En ce moment je suis dans des considérations très pécuniaires, ça démystifie un peu ce métier très fantasmé, mais c’est un fait qu’il faut aborder avec lucidité.

 

Illustration Alie Loizel - Lost

Illustration Alie Loizel – Lost

 

Illustration Alie Loizel - Wood

Illustration Alie Loizel – Wood

 

Illustration Alie LOizel - Moby Dick

Illustration Alie LOizel – Moby Dick

 

Tabouret Ikea décorés par Alie Loizel

Tabouret Ikea décorés par Alie Loizel

 

Détail des tabourets Ikea

Détail des tabourets Ikea

 

L'atelier d'Alie Loizel

L’atelier d’Alie Loizel

 

Alie Loizel

Alie Loizel

 

Un grand merci à Alie Loizel pour cet entretien et pour ses visuels.

Crédits photos: Alie Loizel